Podcast - Jeux Olympiques MOSCOU 1980
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Dès son entrée fracassante dans le giron olympique en 1952 à Helsinki, l’URSS a bien compris que cet événement mondial pouvait développer son soft power à travers le Monde et que plus qu’une simple rencontre sportive, les Jeux Olympiques étaient l’occasion d’affirmer la puissance de son système à travers le Monde et une manière d’étendre le conflit qui l’opposa aux Etats-Unis sur les terrains sportifs surmédiatisés des Jeux. Elle obtint une première victoire lorsque Moscou fut élue ville hôte par le Comité International Olympique devant Los Angeles. Malheureusement, la lutte soviético-américaine ne se déroulera pas durant la quinzaine moscovite en raison du boycott de cette édition par les Etats-Unis.
Un contexte géopolitique mondial tendu
Il fallait bien que cela arrive. L’URSS, l’une des deux grandes puissances économiques, politiques, diplomatiques du Monde s’était imposée depuis plus de deux décennies sur le terrain sportif, décrochant la première ou la première place au classement des médailles depuis son arrivée dans les Jeux Olympiques en 1952. Il était donc logique que sa capitale soit désignée un jour ou l’autre comme hôte des Jeux Olympiques. C’est en 1974, dans une période de détente entre Washington et Moscou qu’elle fut désignée par le CIO et tout, à ce moment-là, laisse penser que ces Jeux pourraient bien être ceux, sinon de la réconciliation, au moins de l’entente cordiale entre les deux géants qui régissent alors le Monde.
En effet, depuis la crise de Cuba en 1962, où la tension est plus que montée entre les deux ennemis, ils se sont rendus compte que l’idée de se livrer à une guerre nucléaire et de potentiellement détruire la moitié de la planète à coup de bombes atomiques n’était peut-être pas la meilleure. Dès l’année suivante, on prôna d’un côté et de l’autre la désescalade symbolisée par une démilitarisation des deux pays, au moins en apparence, et la communication, facilitée par la mise en place du téléphone rouge entre le Kremlin et la Maison-Blanche.
Les années précédant les Jeux de Moscou, Leonid Brejnev, Premier secrétaire du parti communiste soviétique, le président en gros, déclare voir ces Jeux comme un moment d’apothéose dans l’histoire du sport et doivent permettre de montrer à l’Occident le nouveau visage du socialisme. Pour cela, de nombreux moyens sont mis en œuvre pour accueillir au mieux le Monde et réaliser une grande fête populaire dans les rues moscovites : des milliers de traducteurs sont formés pour guider les touristes, des centaines de chauffeurs sont recrutés pour conduire athlètes, journalistes et officiels dans la ville, bref tout est préparé aux petits oignons pour glorifier la grandeur du système socialiste. Et pourtant, ce supposé rassemblement pacifique des peuples et de leurs athlètes, comme se veulent être les JO vont se transformer à Moscou en véritable fiasco.
Le boycott des Etats-Unis
Tout débute à la fin de l’année 1979 lorsque l’URSS, afin d’aider le gouvernement marxiste en place à Kaboul décide d’envahir la capitale pour lutter contre la révolution moudjahidine en cours. Le président américain Carter condamne cette invasion, souhaitant lui-même défendre ses intérêts dans ce pays d’Asie centrale et y voyant là une manière de réaffirmer la puissance internationale de son pays, une sorte de Make America Great Again avant l’heure, et par la même occasion de faire remonter sa cote de popularité dans son pays, quelques mois avant une élection présidentielle qui paraît pour lui bien mal engagée. Je vous passe les détails mais au fil des semaines, Carter menace son homologue soviétique de boycotter les Jeux Olympiques s’il ne retire pas ses troupes. Au départ très populaires, ces annonces sont peu à peu contestées à la fois par les alliés occidentaux des Etats-Unis, mais aussi par l’opinion publique américaine, ses athlètes et fédérations qui refusent alors de servir d’argument politique.
Après des mois de tâtonnement, le Comité olympique américain, à son grand regret, est contraint de décliner l’invitation du CIO. A son grand regret et surtout sous la contrainte du gouvernement américain. S’il ne pouvait pas officiellement ingérer à ce point là dans les décisions du comité olympique, il le menaça d’interdire à toute entreprise américaine de collaborer avec le CIO à l’occasion des Jeux, ce qui aurait signifié l’absence de revenus de sponsoring, de droits TV et donc un manque de financements intenables pour le comité américain. Cette décision est loin d’être partagée outre-Atlantique mais la plupart des pays du bloc de l’Ouest, plus de cinquante, le Canada, la RFA et le Japon en tête décident de s’aligner sur la décision américaine. Ce ne fut pas le cas de la France.
A l’instar de la Grande-Bretagne, de l’Italie ou de l’Australie par exemple, le gouvernement refuse d’ingérer dans l’olympisme et laisse donc à son comité national le choix de participer ou non. Ce dernier prônera la participation aux Jeux pour ne pas priver ses athlètes de l’événement de leur vie. Afin de ménager la chèvre américaine et le chou soviétique, ou l’inverse c’est comme vous voulez, ces pays décidèrent de participer sous le drapeau olympique pour ne pas associer le leur directement à un événement organisé par l’URSS.
C’est donc une édition pas bien palpitante qui se tint à Moscou. Privé de l’Allemagne de l’Ouest, du Canada et des Etats-Unis, trois des meilleures nations mondiales de l’époque, les compétitions se résumèrent bien souvent à un duel entre Allemagne de l’Est et URSS qui remportèrent à elles deux la moitié des médailles et 127 titres sur 204 titres. Bon du coup, niveau sport, j’ai pas forcément grand-chose à vous raconter. Mais cette domination totale et implacable de ces deux pays m’a donné l’idée d’évoquer un sujet sensible, celui du dopage. Et plus précisément celui du dopage organisé.
Marita Koch, recordwoman du Monde du 400m
Les Junkies Games, symboles d'une époque gangrénée par le dopage
Attention, avant de commencer, je tiens quand même à préciser que le dopage n’était pas que le fait des méchants communistes face aux honorables libéraux. Le dopage était selon toute vraisemblance organisé aussi bien d’un côté que de l’autre du Rideau de Fer. On en sait plus sur les pratiques soviétiques ou est-allemandes car suite à l’effondrement du bloc de l’Est, des dossiers sont ressortis. Mais ce n’est pas parce que ces dossiers n’ont jamais, ou pas complètement, ressurgi à l’ouest qu’il n’existait pas.
Et pourtant, ces Jeux de Moscou furent les premiers et aujourd’hui encore les seuls Jeux à ne révéler aucun test positif depuis la mise en place de contrôles au milieu des années 60. Le directeur de la commission médicale du CIO ira même jusqu’à parader en annonçant que ces Jeux resteraient les plus purs de l’Histoire.
Pas de chance pour lui, quelques années plus tard, ils seront au contraire qualifiés de Junkie Olympics lorsqu’une enquête estima que 90% des médaillés avaient consommé une ou plusieurs substances dopantes. Alors comment expliquer qu’aucun test n’ait été positif ? Premièrement, parce que la testostérone, produit dopant très répandu était à l’époque indétectable. Pour ce qui est des stéroïdes, le deuxième produit à la mode, l’URSS, qui souhaitait que ses Jeux apparaissent comme parfaits, avait pensé à tout puisque le KGB avait créée une division spéciale ayant pour unique mission de remplacer les échantillons d’urine des athlètes par des échantillons propres.
Si les chiffres sont si élevés c’est parce qu’à l’époque, le dopage est institutionnalisé. Dans des rapports de l’Allemagne de l’Est déterrés après la chute du Mur de Berlin, on découvrit qu’absolument tous les athlètes, dès le plus jeune âge, était dopé à l’insu de leur plein gré. En effet, de nombreux témoignages expliquent que des supposées cures de vitamine étaient administrées aux athlètes, dès 15-16 ans. Aucun et aucune de ces athlètes ne se rend alors compte qu’ils ingèrent des produits dopants améliorant certes leurs performances mais ayant un effet parfois dramatique sur leur corps. De nombreux cas de crises cardiaques avant 30 ans, de bouleversements hormonaux dramatiques furent causés par la prise incontrôlée de ces produits. Seule comptait la performance, la vie des athlètes passait clairement, aux yeux des gouvernements, au second plan.
De nombreux records du monde d’athlétisme, notamment féminins ont été établis dans cette période sombre du sport et tiennent encore aujourd’hui, malgré la professionnalisation des athlètes, l’amélioration constante des infrastructures, des techniques d’entraînement, des préparations. Entre autres, le record du 400m de l’est-allemande Marita Koch, en 47’60 dont seulement 3 athlètes se sont approchées à moins d’une seconde, ou côté Ouest les records stratosphériques et jamais approchés de l’américaine Florence Griffith-Joyner, décédée à 38 ans d’une crise d’épilepsie après plusieurs crises cardiques, sur 100m et 200m, distance sur laquelle elle a d’ailleurs explosé le record de Marita Koch sont des exemples de ces performances forcément entachées de dopage.
Naïvement peut-être, je pense que cette époque est révolue. Bien sûr le dopage existe encore et existera toujours. Toutefois, la lutte contre ces pratiques semblent porter ses fruits depuis une quinzaine d’années. La mise en place de contrôles inopinés pouvant être effectués à n’importe quel moment de l’année, le renforcement des sanctions et même le regard des suiveurs vis-à-vis des dopés me font dire que de plus en plus de sportifs sont propres. Les Jeux de Tokyo seront d’ailleurs marqués par l’absence de la Russie, exclus pendant 4 ans de toute compétition internationale après la révélation du dopage organisé dans ce pays, décidé par les plus hautes instances du pays. Je vous conseille d’ailleurs à ce sujet le documentaire Icare qui vous plonge en plein cœur de ce scandale.
C’est une édition très très particulière qui s’est tenue à Moscou en 1980. Amputée de la plupart des meilleures nations du Monde, elle ne fut pas la plus palpitante sportivement. Désolé d’ailleurs si je ne vous ai pas conté d’événements ou de performances sportives marquantes mais il m’a semblé utile de vous présenter les ravages de l’ingérence politique à outrance et du dopage sur les terrains de sport. Et oui, parfois, le sport c’est pas si bien que ça...