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Podcast - Jeux Olympiques MEXICO 1968

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La 19ème Olympiade, disputée à Mexico à la fin de l’année fut marquée par des performances sportives légendaires, notamment en athlétisme, où décidément, il se passe toujours des trucs de fou. Elle marqua aussi le retour de la politique au cours des épreuves après 2 éditions plutôt softs de ce côté-là. Elle s’ouvrit en effet dans un contexte mondial de contestation sociale majeure avec, comme témoins de la révolte populaire qui se manifeste alors à travers le Monde, le Printemps de Prague, insurrection populaire en République Tchèque réprimée par l’armée soviétique, les mouvements étudiants en France, ou encore les contestations contre la guerre du Viêt-Nam aux Etats-Unis.

Des performances exceptionnelles dans un contexte tendu

Au pays de l’Oncle Sam, le mouvement des droits civiques des Noirs Américains bat également son plein après l’assassinat en avril de Martin Luther King. Face à la ségrégation subie par les afro-américains notamment, de nombreux athlètes noirs américains fondèrent le « Projet Olympique pour les Droits de l’Homme », et songèrent même à boycotter les JO pour manifester leur soutien à cette cause.

 

Ces Jeux Olympiques mexicains, les premiers organisés dans un pays en voie de développement s’ouvrirent seulement 10 jours après un événement tragique. Le 2 octobre, des centaines d’étudiants sont réunis sur la place des Trois Cultures, dans le quartier de Tlatelolco, au cœur de la capitale Mexicaine. A la stupeur générale, tant du côté des manifestants que des nombreux journalistes présents pour les JO, venus en avance pour couvrir ces manifestations étudiantes, l’armée du gouvernement de Gustavo Diaz Ordaz se mit à tirer sans sommation sur la foule, assassinant plus de 300 manifestants. Le massacre de Tlatelolco suscita de nombreuses réactions à l’international et ses causes en sont encore aujourd’hui assez nébuleuses.

Malgré ce contexte sanglant, le président du CIO Avery Brundage déclara : « Les Jeux de la XIXe Olympiade, cet amical rassemblement de la jeunesse du monde, dans une compétition fraternelle, se poursuivront comme prévu… s'il y a des manifestations sur les sites olympiques, les compétitions seront annulées ». En parallèle de cela, les médias mexicains sont exhortés à ne pas évoquer le massacre de Tlatelolco afin de ne pas saborder l’organisation des Jeux par leur pays.

C’est donc dans une atmosphère pesante que la flamme olympique fut allumée par la spécialiste du 400m Norma Enriqueta Basilio de Sotelo, qui devint ainsi la première femme à recevoir l’honneur de lancer symboliquement les Jeux Olympiques.

Une autre femme a marqué ces Jeux Olympiques, la gymnaste tchécoslovaque Vera Caslavska. Son histoire Olympique avait pourtant débuté à Rome, 8 ans plus tôt, où elle avait remporté l’argent par équipes et à Tokyo, en 1964. Dans la capitale nippone, elle remporta 3 titres à la poutre, au saut de cheval et sur le concours général, assorti d’une nouvelle médaille d’argent par équipes derrière les intouchables soviétiques qui règnent alors sur la gym mondiale. Arrivée à Mexico avec le costume de favorite, elle réussit à faire encore mieux qu’à Tokyo. Engagée sur 6 épreuves, elle décrocha 4 titres au sol, saut de cheval, barres asymétriques et sur le concours général, devant se contenter, si l’on peut dire de l’argent à la poutre et par équipes.

La plus belle performance, la plus olympique de ces Jeux revient sans discussion possible au marathonien Tanzanien John Stephen Akhwari. Arrivé en tant qu’outsider à Mexico, il s’accrocha au groupe de tête jusqu’à ce qu’il chute au 20ème kilomètre. Clairement blessé au genou, il refusa d’abandonner et tint à finir la course. Obligé de s’arrêter à plusieurs reprises, de marcher tant sa douleur grandissait mètre après mètre, il parvint tout de même à rallier l’arrivée la jambe ensanglantée, avec plus d’une heure de retard sur le vainqueur du jour. Après avoir reçu une ovation immense des spectateurs du stade, il passa un examen médical qui lui confirma ce qu’il savait déjà : il venait de parcourir plus de 20km avec un genou déboité. Bon ce qui fait mal c’est qu’il a fini en 3h25 soit un temps que je ne pourrai jamais réaliser même sans genou déboité. Et lorsqu’on lui demanda pourquoi il n’avait pas abandonné, il déclara le plus simplement du monde : « Mon pays ne m'a pas envoyé à 10 000 km de chez moi pour prendre le départ d'une course, mais pour la finir ». ça c’est l’esprit Coubertin.

 

C’est également à Mexico qu’une véritable révolution se déroula lors de la compétition de saut en hauteur. Dick Fosbury, fut le premier à franchir les barres avec la technique que l’on connaît aujourd’hui et qui porte depuis son nom. Avant ce concours, les sauteurs pratiquaient la pratique du rouleau ventral, en s’enroulant de côté au-dessus de la barre. Fosbury surprit tout le monde en attaquant la barre en arrière. A chacun de ses sauts, il fut acclamé par la foule du stade qui explosa de joie lorsqu’il décrocha le titre Olympique. Petit point trivial pursuit, Dick Fosbury n’est en fait pas le premier athlète à avoir expérimenté cette technique, bien que c’est son nom qui lui ait été donné puisqu’il fut le premier à la réaliser en compétition internationale. Des photos d’un autre américain Bruce Quande le montre utiliser cette technique 5 ans plus tôt ; sans que Fosbury ne l’ait su.

 

Pour la première fois organisés à une altitude de plus de 2000m, ils furent marqués par des performances sportives fantastiques. L’Américain Bob Beamon symbolise à merveille ce fait puisqu’il pulvérisa le record du Monde du saut en longueur, s’envolant à 8m90, 55cm plus loin que le record de l’époque. Ce fantastique bond restera d’ailleurs la marque de référence mondiale jusqu’à la finale légendaire des Championnats du Monde de Tokyo en 1991, 23 ans plus tard, où Mike Powell prit le dessus sur Carl Lewis, avec un saut mesuré à 8m95, établissant alors l’un des plus vieux records de l’athlétisme.

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Tommie Smith et John Carlos, un geste historique

Un autre record ahurissant fut établi au cours de la quinzaine, celui de Tommie Smith, américain lui aussi, en finale du 200m. Arrivé avec le costume de favori, il sera le premier à briser la barre des 20 secondes sur la distance, en 19s83 précisément, écrasant lui aussi le record du monde de sa discipline.

Si cette performance de haut vol aurait pu suffire à le faire rentrer dans l’Histoire, personne n’imagine à ce moment-là qu’elle ne restera qu’anecdotique, voire complètement effacée par la cérémonie de remise des médailles qui s’en suivra.

 

Le lendemain, le 17 octobre, les épreuves s’arrêtent un court instant, comme de coutume, afin de laisser place au podium du 200m disputé la veille. Les spectateurs du stade Olympique de Mexico ne le savent pas encore, mais ils vont être témoins de la scène la plus iconique, politiquement parlant, de toute l’histoire des Jeux Olympiques.

Une fois les breloques remises aux trois médaillés et alors que les premières notes de l’hymne américain retentissent dans le stade, Tommie Smith et John Carlos, médaillé de bronze comme un seul homme, baissent alors la tête et lèvent un poing ganté de noir provoquant la stupeur, l’incompréhension et même les sifflets d’une partie du stade. Ce geste symbolise alors leur soutien aux mouvements Black Power et Black Panthers qui luttent au quotidien pour améliorer la situation des Noirs aux Etats-Unis. Son écho est mondial et ses conséquences pour les deux athlètes seront immenses.

 

Pour l’expliquer, John Carlos déclarera à la presse : « Après ma victoire, l'Amérique blanche dira que je suis Américain, mais si je n'avais pas été bon, elle m'aurait traité de Noir »

 

En effet, les réactions ne se feront pas attendre. Notre ami Avery Brundage tout d’abord, s’insurge contre cette prise de position lors des Jeux, un événement qu’il avait lui souhaité complètement apolitique.

En guise de sanction, il oblige le comité américain à renvoyer les deux athlètes chez eux sur le champ. Ils seront même, plus tard, radiés purement et simplement de toutes les compétitions d’athlétisme dans le Monde pour avoir défendu une cause juste.

Menacés de mort à leur retour en Amérique, les deux hommes seront alors vus comme des parias durant des décennies avant que le courage et la légitimité de leur prise de position ne commence enfin à être reconnu. A titre d’exemple, ils ne seront reçus à la Maison Blanche qu’en 2016 par Barack Obama.

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Peter Norman, médaillé d'argent mais à jamais troisième homme de ce podium

Vous avez très certainement déjà vu cette photo, je vous l’ai remise sur mon site si vous voulez allez la voir. Et je ne vous ai parlé que des deux américains du podium. Mais qui était l’autre ? Peter Norman, second sur la piste mais à jamais troisième homme de ce podium est sans aucun doute le moins connu des trois médaillés. Il n’en est pas moins admirable. Australien, blanc, il est lui aussi opposé à la politique raciale contre les indigènes dans son pays.

Ainsi lorsque les deux américains lui ont annoncé leur projet quelques minutes avant de monter sur le podium, il a accepté de participer à cette contestation en portant un badge du « Projet Olympique pour les Droits de l’Homme », fondé quelques semaines auparavant.  C’est également lui qui suggéra aux deux américains de partager une paire de gants en signe d’unité, ce qui explique que Tommie Smith brandit le poing droit, et John Carlos le gauche.

Cette prise de position lui coûtera également sa carrière puisqu’il ne sera plus jamais retenu par sa fédération pour les Jeux Olympiques et sera même complètement ostracisé par le monde du sport australien. A titre d’exemple, il ne sera pas invité à la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques de Sidney en 2000, à l’inverse de quasiment tous les médaillés Olympiques de son pays.

 

Il faudra attendre 2012 pour que le gouvernement australien publie enfin une apologie officielle de Norman, décédé en 2006. Tommie Smith et John Carlos traversèrent le monde pour assister à ses obsèques et portèrent même son cercueil, une manière de rester à jamais unis avec lui. Ce jour-là, John Carlos lui rendra un hommage vibrant, lourd de sens : « Ce soir-là, à Mexico, je pensais voir de la peur dans ses yeux, je n’ai vu que de l’amour. Il n’a jamais détourné le regard. Racontez à vos enfants l’histoire de Peter Norman ».

 

A jamais liés, les trois hommes auront tous payé de leur carrière leur engagement, au contraire des athlètes américains Lee Evans, Larry James et Ronald Freeman, qui, ayant réalisé un triplé américain sur 400 mètres, montèrent sur le podium en portant le béret noir des Black Panthers pour dénoncer eux aussi le racisme dans leur pays et qui ne furent étonnamment pas exclus.

C’est une édition très dense qui s’est achevée à Mexico le 27 octobre 1968. Elle a été le théâtre de la prise de position la plus iconique de l’histoire des JO, voire du sport en général. Tommie Smith et John Carlos restent aujourd’hui encore un symbole de la défense des droits civiques pour les Noirs aux Etats Unis. Malheureusement, ce combat est encore loin d’être terminé et les sportifs continuent de s’engager, à leur manière. Ce fut le cas parmi tant d’autres de Colin Kaepernick, footballeur américain qui s’agenouilla lors de l’hymne américain ou encore des joueurs NBA qui, l’été dernier firent grève pour protester contre les violences policières faites aux Noirs. L’Olympiade suivante se déroulera à Munich en 1972 pour un retour en Europe et une première édition en Allemagne depuis les Jeux de la honte de 1936. Malgré le souhait du gouvernement d’effacer ce souvenir douloureux, elle sera marquée par un événement dramatique, n’ayant absolument rien à voir avec le sport. On verra tout ça ensemble la semaine prochaine. A bientôt !

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