Podcast - Jeux Olympiques MUNICH 1972
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C’est à Munich que nous atterrissons aujourd’hui pour la XXème Olympiade. Après deux éditions disputées en Asie puis en Amérique, les Jeux reviennent donc dans leur berceau européen pour une édition qui, vous allez le voir, va de nouveau être le théâtre d’événements inattendus, aussi bien sportifs qu’extra sportifs.
L'URSS devance les Etats-Unis, Mark Spitz marque l'histoire
Malgré le Mur de Berlin et le Rideau de Fer qui scindent l’Europe et l’Allemagne en deux depuis plus d’une décennie, le gouvernement allemand souhaite une organisation aux petits oignons pour faire oublier la honteuse édition de 1936 orchestrés par et pour la propagande nazie du IIIe Reich. Bon niveau unité, ça part déjà pas super bien puisque, comme 4 ans plus tôt à Mexico, la RFA et la RDA participent désormais en nom propre aux JO, cette dernière ayant été finalement reconnue par le CIO en 1968.
Vous allez le voir, bien que regrettable, cette scission entre les deux Allemagne sera loin d’être l’événement le plus dramatique de ces Jeux allemands. Voyons tout ça ensemble tout de suite.
C’est donc dans la capitale bavaroise que les 7000 athlètes, dont plus de 1000 femmes, des 121 nations engagées se retrouvent à la fin de l’été 1972 pour ces Jeux Olympiques. Bon je vais démarrer par les côtés plutôt réjouissants de cette olympiade qui a pourtant été marquée par un événement absolument tragique.
D’un point de vue sportif, on note déjà la première fessée infligée par l’URSS aux Etats-Unis au classement des médailles. En effet, le requin soviétique dévore les compétitions et engloutit 50 médailles d’or tandis que son dauphin américain doit se contenter de seulement 33 titres. Juste derrière eux, on trouve la RDA à la 3ème place et la RFA à la 4ème place. Dans le contexte de l’époque on peut donc clairement affirmer que le bloc de l’Est a écrasé son rival occidental.
Cependant, s’il y a un athlète qui a marqué ses JO de son empreinte, il est bien américain et se nomme Mark Spitz. Autant vous le dire tout de suite, lui, la place de dauphin, il ne connait pas. Né en 1950 en Californie, il est tout de suite conditionné à devenir un champion. En effet, lorsqu’il commence la natation à seulement 8 ans, son père voit tout de suite en lui un futur de nageur dominant. Pour accomplir cela, il décide de déménager à Santa Clara, pour inscrire son fils au club le plus réputé du pays, alors qu’il n’a que 12 ans. Il a alors l’occasion de s’entraîner aux côtés de Don Schollander, véritable monstre de la natation à cette époque puisqu’il décrocha 4 titres olympiques à Tokyo en 1964. A peine sorti de l’adolescence, Mark commence alors à tout écraser sur son passage si bien qu’à son arrivée à Mexico pour les Jeux 1968, il détient 3 records du Monde et a remporté 5 titres l’année précédentes lors des Jeux Panaméricains. Il le clame alors haut et fort. A seulement 18 ans, il souhaite battre le record de Schollander lors de l’olympiade mexicaine.
Malheureusement pour lui, encore trop tendre pour ces joutes olympiques, il devra se contenter de deux titres acquis en relais et d’une récolte individuelle bien maigre d’une médaille d’argent et une autre de bronze, s’attirant alors les moqueries de la presse qui le juge alors impertinent, trop sûr de lui et incapable d’être là lors des grands rendez-vous. Il est même jugé indésirable dans son club de Santa Clara qui se sépare de lui.
Mais Mark Spitz est un immense champion et cet épisode mexicain va lui forger un mental d’acier. Il n’a qu’une idée en tête, prendre une revanche glaciale sur tous ses détracteurs 4 ans plus tard à Munich.
Il se prépare comme un forcené avalant les longueurs jour après jour dans l’université de l’Indiana qui l’a accueilli après son départ de Santa Clara. Ses performances s’imposent peu à peu comme les références mondiales de la natation. Toutefois, à l’époque, les Championnats du Monde n’existent pas encore. Il n’a donc pas l’occasion entre Mexico et Munich de se confronter à tous ses adversaires. Son discours a changé, il ne s’exprime que très peu dans les médias avant ses premiers plongeons dans la piscine bavaroise. Pour autant, lorsque débutent les Jeux 1972, il est attendu au tournant.
Engagés sur 7 épreuves, dont 4 individuelles, il va offrir aux spectateurs de la Schwimhalle munichoise un récital d’une pureté exceptionnelle, encore inimaginable à cette époque. Pourtant, il n’est pas au mieux au moment de disputer sa première finale. Un vilain rhume au plus mauvais des moments l’affaiblit. Mais rien ne semble pouvoir le stopper. Lors du 200m papillon, il s’impose en battant le record du monde de l’épreuve qui se révélera n’être qu’une mise en bouche de sa semaine dorée. Il remportera en effet les 7 épreuves auxquelles il prit part, en battant à chaque fois le record du Monde, glanant ainsi 7 médailles d’or sur une seule olympiade, le tout à seulement 22 ans, de quoi faire maigrir les rageux.
C’est alors la première fois qu’un ou une athlète remporte tant de titres lors d’une même Olympiade. Longtemps considéré intouchable, ce record a cependant été battu par un certain Michael Phelps dont on reparlera prochainement…
A la suite de sa semaine inscrite au Panthéon de l’olympisme, Mark Spitz étonnera tout le monde en conférence de presse en annonçant, à seulement 22 ans, sa retraite sportive en déclarant : « Depuis Mexico j'avais une revanche à prendre. J'étais jeune, un peu novice, j'avais alors 18 ans. J'étais censé remporter six médailles. J'ai échoué. Je suis venu à Munich comme un vieil homme qui veut réussir son come-back. J'ai donné ce que j'avais à donner. Ma carrière s'est terminée hier soir. »
Il lui aura donc fallu 7 épreuves seulement pour marquer à jamais l’histoire des Jeux Olympiques.
Les Jeux de la paix et de l'amour...
Très souvent en première semaine des Jeux Olympiques, toutes les épreuves de natation se seront déroulées avant l’événement qui fit la triste renommée de cette édition munichoise. Le lendemain de la dernière épreuve victorieuse de Spitz, le matin du 5 septembre, un drame aussi funeste qu’inattendu se produisit en plein cœur du village Olympique.
Pour bien le comprendre, il faut se replacer dans le contexte de l’époque. Au début des années 70, quelques années après l’année 68 libératrice des mœurs, le temps est à la paix, les chemises à fleurs et les robes au-dessus des genoux sont de sortie, le tout dans une ambiance des plus bon enfant.
En plus de cela, les organisateurs allemands appuient sur cette notion de fête, de partage pour faire oublier le terrible souvenir des Jeux de 1936 organisés à Berlin par Hitler. En cela, la présence d’Israël est sans doute le symbole le plus fort de cette volonté d’effacer des mémoires les abjectes théories antisémites qui ont fait foi en Allemagne dans les années 30. Le défilé de la délégation israélienne, derrière l’étoile de David bleu en plein centre de leur drapeau revêtit alors une importance historique capitale.
Symbole de cette quiétude globale qui flotte dans l’atmosphère munichoise, les policiers chargés de la sécurité des compétitions ou du village olympique sont habillés d’un délicieux costume bleu pastel, béret blanc sur la tête et, surtout, aucun d’entre eux n’est armé. L’accès aux différents sites est donc à peine contrôlé. Cela nous paraît complètement fou aujourd’hui au vu des récents événements terroristes qui ont frappé la terre entière. Mais à l’époque, de tels actes ne paraissent tout simplement pas concevables. Un peu comme s’il y a à peine 2 ans, on nous avait dit de porter un masque dans la rue pour éviter qu’un virus contamine la planète entière.
Et pour cause. Bien malgré eux, ces Jeux de 1972 ont été un tournant mondial pour l’organisation des manifestations sportives et autres d’ailleurs, en matière de sécurité.
Le 5 septembre, jour noir de notre histoire que j'ai contée
Le 5 septembre, alors que la flamme rayonne dans le stade Olympique depuis plus d’une semaine, c’est à 4 heures du matin, dans la pénombre du village des athlètes que va démarrer une journée d’horreur.
Huit hommes en survêtement, sacs de sport à la main s’introduisent dans le village grâce à des athlètes canadiens passablement éméchés revenant d’une soirée dans le centre-ville bavarois les prenant pour leurs pairs. Ils ne le savent pas à ce moment-là mais ils viennent de laisser entrer 8 membres palestiniens du groupuscule Septembre noir dont les sacs de sport sont remplis de fusils d’assaut et de grenades, un arsenal digne d’une scène de guerre. Très vite, les terroristes se dirigent vers un bâtiment où dorment des athlètes israéliens. Ils s’introduisent dans les chambres, abattent deux sportifs qui tentaient de leur résister et prennent en otage les 9 autres membres de la délégation israélienne présents dans leurs appartements.
Minute après minute, la stupeur s’empare du village olympique, de l’organisation des Jeux, de la ville et bien plus que ça. Parce que oui, pour la première fois ou presque, des journalistes télé du monde entier sont présents pour couvrir l’événement et vont apporter une dimension médiatique encore jamais vu à un acte terroriste. Lorsque l’un des terroristes sort sur la terrasse de l’appartement, masqué, cette menace jusque-là fantôme se personnifie. Et c’est bien cela qu’était venu chercher le commando palestinien qui souhaite alors attirer l’œil de l’opinion publique sur la situation palestinienne. Suite à la guerre des Six Jours menée par Israël l’année précédente, les Etats arabes envahis ont dû reconnaître l’Etat d’Israël en échange des terres perdues par la force. Conséquence, cet Etat s’est installé sur les terres palestiniennes, laissant naître un conflit malheureusement aujourd’hui encore plus que d’actualité.
Je ne vous raconterai pas en détail le récit de cette journée tragique. Si vous voulez plus d’informations, je vous conseille le podcast Affaires Sensibles de France Inter Munich 1972 : destin tragique d’un rêve olympique, ou le reportage, un peu vieilli, mais très bien fait de Secrets d’actualité, tous deux disponibles sur Youtube.
En tous les cas, devant les caméras du monde entier, dont certaines se sont postées sur les toits des autres bâtiments du village olympique, la prise d’otages a continué encore et encore. La police allemande, absolument pas préparée à gérer un tel acte sera quasiment tournée en ridicule lorsqu’elle esquissera un assaut que les terroristes verront arriver comme le nez au milieu de la figure à la télévision de l’appartement qu’ils occupent grâce aux rediffusions en direct sur les chaines allemandes.
Plus tard, en début de soirée, alors que les négociations s’enlisent devant le refus israélien de céder aux ultimatums des preneurs d’otages, qui exigent la libération de plus de 236 détenus palestiniens dans les prisons israélienne, les terroristes exigeront qu’on leur mette à disposition un avion pour qu’ils puissent rejoindre l’Egypte en compagnie de leurs otages. Un guet-apens les attend sur la piste de l’aéroport de Munich. Là encore, les forces de police allemandes qui estimaient le nombre de terroristes à 2 ou 3 ne sont absolument pas prêtes et après plus d’une heure de coups de feu échangés, le bilan est terrible.
Les 9 otages ont été abattus, un policier a été tué, comme 5 membres du groupuscule Septembre Noir. Les 3 autres seront capturés mais l’échec de la mission de sauvetage a sauté à la face du Monde.
Le lendemain de cette journée noire, une cérémonie funèbre sera donnée dans l’enceinte du stade Olympique en hommage aux 11 Israéliens assassinés. Les compétitions reprendront alors mais le cœur n’y est plus. Les stades des compétitions sont clairsemés et la deuxième semaine ne sera qu’anecdotique au vu du drame qui a frappé l’olympisme, devant plus de 500 millions de téléspectateurs à travers le Monde.
C’est un épisode tragique qui a marqué ces Jeux Olympiques, bien loin de la volonté du gouvernement allemand d’en faire un événement de partage, de fête et de paix. Cette journée du 5 septembre 1972 aura changé à tout jamais l’organisation des événements dans le monde entier puisque c’est la première fois que le sanctuaire olympique aura été violé de la sorte et que l’exposition médiatique des Jeux auront servi un acte ignoble. Suite à cela, les mesures de sécurité seront constamment renforcées, des divisions anti-terroristes comme le GIGN verront le jour. Pour tout le monde et encore plus les personnes ayant vécu sur place cet événement, il y aura à jamais un avant et un après Munich 1972.