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Jeux Olympiques 1936 podcast

Podcast - Jeux Olympiques BERLIN 1936

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Cette Olympiade est sans doute la plus honteuse de l’histoire des Jeux Olympiques. Organisée à Berlin en 1936, elle se déroula à l’époque du IIIe Reich, dirigé par Hitler. Heureusement, si l’on peut dire, le sport et notamment les performances d’un athlète sont symboliquement sortis vainqueurs de l’idéologie nazie. Découvrons cela ensemble tout de suite.

Les Jeux Olympiques attribués à Berlin 

L’histoire de ces JO débute en 1931, avant l’arrivée du Führer à la tête de notre voisin outre-Rhin. Lors du 29ème congrès du CIO, la capitale de la République de Weimar, en place depuis la fin du premier conflit mondial, est élue largement face à Barcelone 43 voix à 16. C’est la deuxième fois que la ville est désignée par le CIO depuis la création des JO en 1896. Si vous avez bien suivi tous mes premiers épisodes, vous devez savoir qu’aucune des éditions n’y a pourtant eu lieu? Et pour cause, l’édition de 1916, attribuée à Berlin fut annulée en raison de la Première Guerre Mondiale.

 

Toutefois, cette première attribution a pesé dans le processus de sélection puisque les dirigeants allemands ont alors fait valoir le fait que de nombreuses infrastructures avaient déjà été construites à cette occasion et que le coût en serait donc drastiquement réduit. En ces temps de vaches maigres économiques causées par la crise de 1929, les votants du CIO virent ce point budgétaire comme une aubaine. Par ailleurs, cette désignation était également une manière de réintroduire définitivement l’Allemagne dans l’Olympisme, alors qu’elle en avait été exclue jusqu’en 1928.

 

Triste ironie, l’Allemagne dans laquelle se tiendront ces Jeux s’avérera être radicalement opposé à ce que se veut l’Olympisme. En effet, deux ans après ce choix, Adolf Hitler arriva à la tête de la République de Weimar, plongeant le pays dans le chaos. Nommé à la chancellerie par le président de la République, suite à la victoire de son parti lors des élections législatives de 1932, il débute la mise au pas de son pays par la dissolution du Reichstag, l’Assemblée allemande, puis par les assassinats et emprisonnements de ses opposants politiques, et enfin la prise des pleins pouvoirs politiques lui permettant d’annoncer quelques semaines plus tard l’avènement du 3ème Reich.

 

Peu à peu, sa haine des juifs, des homosexuels, des communistes et finalement de tous ceux qui ne marchaient pas dans son sens questionne en Europe et partout dans le Monde. L’ambassadeur français à Berlin, André François-Poncet rédigera dans l’un de ses rapports au gouvernement une phrase qui résume parfaitement ce qu’il est en train de se produire « j’ai l’impression d’assister à un changement de décor sur une scène où on n’aurait pas baissé le rideau. »

Par conséquent, la tenue des JO dans la capitale de ce régime devenu totalitaire devint incertaine. Le 3 mai 1933, 4 mois après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, le président français du CIO Henri Baillet de Latour déclara : « Il est indispensable que Monsieur Hitler soit mis au courant que les Jeux sont donnés à une ville et non à un pays, qu’ils n’ont aucun caractère politique, raciale, ou confessionnel. Sinon, il serait préférable que la ville de Berlin retire sa candidature. »

Les institutions internationales s'inquiètent mais n'agissent pas 

Bon comme prise de position radicale, on a connu mieux. Mais on sent que des questions se posent sur la légitimité du régime nazi à accueillir un événement par essence universel. L’année plus tard, l’ambassadeur américain met également en garde son pays sur la dérive du sport en Allemagne, qui commence à l’utiliser comme outil de propagande pour démontrer la supposée supériorité de son peuple et de la race aryenne. Face à cette situation, de nombreux clubs, fédérations et athlètes américains prônent le boycott pur et simple de ces Jeux.

 

Le gouvernement diligente alors une enquête sur place pour dresser un état des lieux précis de la situation afin de statuer sur sa participation ou non. Cette enquête sera complètement biaisée, le régime nazi faisant tout pour embellir la situation. Son rapport se soldera par cette phrase : « les Juifs allemands sont satisfaits de leur sort d’un point de vue sportif ». Malgré les manifestations un peu partout dans le Monde, aucun Etat n’a alors le courage de se prononcer contre la tenue de ces Jeux, de peur de se froisser avec le 3e Reich, qui effraie de plus en plus.  

Si Hitler a souhaité manipuler la réalité dans son pays au cours de l’enquête américaine, c’est qu’il est bien conscient de l’importance que revêt l’organisation d’un événement médiatisé mondialement. Pourtant, au départ, il n’était pas vraiment pour l’organisation de ces JO, voire carrément contre même. La raison, le coût qu’elle représentait et, bien sûr, son rejet d’accueillir des athlètes noirs, juifs, asiatiques ou autres dans son pays. Raisonné par son chef de la propagande, Joseph Goebbels qui le convainc des retombées possibles de l’événement, il fera alors tout pour que ses Jeux Olympiques soient les plus gigantesques possibles. Hitler n’a alors qu’un seul objectif en tête, accueillir le monde entier dans sa capitale et lui en mettre plein la vue.

Une réalité cachée

Il va alors mettre en œuvre une politique de propagande diablement efficace. Des offres de voyage vantant la qualité de l’hospitalité allemande sont proposées aux agences dans le monde entier, des pubs avec les sponsors du CIO, Coca-Cola en tête sont diffusées. Peu avant l’événement, les inscriptions sur les commerces juifs sont effacées dans les rues de la capitale, les mesures anti-Juifs sont suspendues, les maisons proches du stade sont repeintes et la milice du parti reçoit la consigne de convaincre les étrangers que le calme et la sécurité règnent en Allemagne pour qu’ils le fassent savoir à leur retour dans leur pays.

Les athlètes étrangers sont accueillis comme des Rois, dans un village Olympique flambant neuf au beau milieu de la campagne Berlinoise. Les appartements sont luxueux, des services haut-de-gamme sont proposés, des boutiques sont ouvertes et des équipements d’entraînement à la pointe de la  modernité leur sont mis à disposition. Des adolescents sont également recrutés et formés pour prendre soin des sportifs, les guider et être à leur service. Plus que cela encore, des jeunes filles des Jeunesses Hitlériennes reçoivent des laisser-passer pour accéder au Village Olympique pour assouvir les désirs des athlètes, aryens bien entendu. Dans sa volonté glauque de faire du peuple allemand le plus fort de tous, il promet à toutes ces filles que si elles tombent enceinte d’un athlète, leur bébé deviendra un bébé Olympique et que l’Etat prendra en charge tous les frais pour son éducation. En résumé, il faut faire place nette, masquer cette vérité qui effraie et faire de l’Allemagne un pays respectable, au sommet de son art.

 

Cette volonté s’étend bien sûr au domaine sportif. Les athlètes allemands deviennent quelques mois avant l’ouverture des JO professionnels. En effet, ils peuvent s’entraîner à plein temps dans des infrastructures flambants neuves et reçoivent une compensation totale de leur salaire. Là encore, bien que de telles pratiques soient complètement opposées à ses propres règles, le CIO passe l’éponge, tout autant que sur l’absence de Juifs dans les équipes allemandes. Il est en effet interdit pour un Juif de s’entraîner dans les clubs réservés aux aryens en Allemagne et strictement interdit pour eux de participer à toute compétition. Seule l’escrimeuse Hélène Mayer, demie-juive selon les abjectes lois de Nuremberg et favorite au titre est acceptée dans l’équipe nationale afin de contrer les théories affirmant le rejet des Juifs. Au final, Hitler dépensera 36 millions de Reichmark pour l’organisation de ces Jeux contre 2 budgétés au départ. Il mettra sur pied, en plus de toutes les installations déjà évoqués, un stade flambant neuf, le Oympistadion en employant et en sous-payant des dizaines de milliers de chômeurs.

 

 

C’est dans ce stade que la cérémonie d’ouverture la plus effrayante de l’histoire aura lieu. Au cours d’un spectacle parfaitement huilé, les nazis vont étaler aux yeux du Monde leur propagande, mettant en scène chaque moment avec la plus grande précision. Elle débute, dans un stade rempli, par l’arrivée d’Hitler, au pas lent mais décidé, qui s’offre un quasi tour d’honneur sous les vivas de la foule lui adressant comme un seul homme le salut nazi. Une petite fille, blonde bien entendu, vient lui apporter un bouquet de fleurs au moment où il monte dans les tribunes du stade pour assister au défilé des équipes, puis à l’allumage de la flamme olympique qui eut lieu après un relai de plus de 3000 coureurs pour rallier Olympie à Berlin. C’est Hitler qui a souhaité ce relai, pu  issue dans sa mythologie, les Grecs étaient les premiers aryens. A la fin de cette cérémonie, 1000 colombes sont lâchées au milieu du stade en signe de paix, tandis que le drapeau Olympique est hissé aux côtés de la croix gammée au sommet du stade au moment où Hitler déclare les Jeux ouverts.

Jesse Owens, rempart symbolique au racisme

C’est un pâle tableau que je vous dépeins depuis le début de ce podcast. Heureusement, s’il y a bien une chose sur laquelle Hitler ne pouvait pas avoir la main et ne pouvait pas cacher, c’était la réalité du terrain. Celle-ci va venir gâcher, en partie, sa célébration de la race aryenne. L’homme qui en est responsable, c’est Jesse Owens.

Né en 1913 à Oakville, dans un comté de l’Alabama, James Cleveland Owens est le dernier d’une fratrie de onze enfants. Petit-fils d’esclaves africains, il connaît une enfance difficile, dénuée de moyens. Pour tenter d’échapper à la misère, les parents de Jesse décident de s’installer à Cleveland, ville industrielle où ils espèrent pouvoir mieux gagner leur vie que dans les champs de coton de l’Alabama. C’est ici que J.C surnom donné par son institutrice, grandit entre l’école, un travail de livreur et de manutentionnaire dans une usine de chaussures.

Durant ses études, son talent d’athlète éclate aux yeux de tous ses entraîneurs. A l’aise sur les courses, les sauts et les sports collectifs, il décide à 15 ans de se spécialiser dans les épreuves de sprint et dans le saut en longueur où ses performances laissent entrevoir un destin doré aux Jeux Olympiques.

Obtenant une bourse pour l’université d’Etat de l’Ohio grâce à ses performances sportives fantastiques à 21 ans, Jesse va se perfectionner pour s’imposer comme le meilleur sprinter du Monde.

 

Tout bascule le 25 mai 1935 où, en l’espace d’une heure, Jesse parvient à battre ou égaler quatre records du monde, malgré des douleurs dorsales intenses causées par une mauvaise chute dans l’escalier de son immeuble quelques jours auparavant. Il égala tout d’abord le record du 100 yards avec un temps de 9s4, puis s’envola au-delà du record du saut en longueur en retombant à 8m13 lors de son seul essai puisqu’il avait d’autres épreuves à effectuer. Il faudra attendre 25 ans, peu avant les JO de 1960 pour voir ce deuxième record du Monde tomber. Après cela, il battra le record du monde du 200 mètres et du 200m haies. Une fois ces concours terminés, il quittera le stade en boitant, acclamés par les 10000 spectateurs du stade. Un an avant les Jeux Olympiques, il apparaît donc comme l’homme à battre sur toutes ces disciplines.

 

Et il ne décevra pas les attentes. Sous les yeux du Führer, il s’imposa sur les quatre épreuves auxquelles il participa, à savoir le 100m, le 200m, le saut en longueur et le 4x100m. S’il écrasa toutes les épreuves de vitesse, il dut batailler sur le saut en longueur face à l’Allemand Luz Long qui, bénéficiant du bruyant soutien du stade Olympique, était encore en tête jusqu’à l’avant dernier essai d’Owens. L’américain parvint finalement à sauter à 8m06 et l’emporta avec 20 centimètres d’avance sur son dauphin.

Il existe une Légende disant qu’Hitler quitta le stade et refusa de saluer la star américaine de ces Jeux en raison de sa couleur de peau. De ce que j’ai vu c’est complètement faux. Comme expliqué auparavant, la démarche des nazis était de montrer au Monde leur ouverture et non pas d’appliquer leur politique ségrégationniste pendant les Jeux. Cette volonté de berner le Monde entier fut efficace et contribua sans doute au fait que l’Allemagne eut tout le loisir de préparer son invasion de l’Europe quelques années plus tard.

Il ne faut pas se tromper lorsqu’on observe l’histoire de Jesse Owens lors de ces Jeux Olympiques.

 

Oui, ses performances furent historiques puisqu’aucun athlète ne réussit à remporter 4 médailles d’or sur les mêmes épreuves que lui dans toute l’histoire des Jeux.

Oui il a été le symbole ultime de l’absurdité des théories nazies.

Oui ses performances furent une défaite symbolique amère pour Hitler.

En revanche, non, il n’était pas soutenu par tout le monde et les Noirs n’étaient acceptés par tous. A commencer par son propre pays.

 

En Amérique, la ségrégation et le racisme anti-noir est encore très présent à cette époque.  La preuve ? Jesse Owens est alors le premier champion Olympique noir américain de l’histoire et il sera le seul à ne pas être invité à la Maison Blanche suite aux Jeux de Berlin 1936. Il le dit lui-même dans le livre « Triumph : The Untold Story of Jesse Owens and Hitler’s Olympics » 

 

« Hitler ne m'a pas snobé, c'est notre Président qui m'a snobé. Le Président ne m'a même pas envoyé un télégramme. Après ces histoires d'Hitler qui m'aurait snobé, à mon retour aux États-Unis, je ne pouvais pas m'asseoir à l'avant des autobus, je devais m'asseoir à l'arrière, je ne pouvais pas vivre là où je le voulais »

 

Ces phrases, pour moi, résument au mieux la situation de l’époque. Avec le recul, on est souvent tenté de considérer que le problème du racisme n’existait qu’en Allemagne. Mais non, partout dans le Monde, des Etats-Unis aux pays colonialistes européens, cette vision était prégnante. A l’échelle de l’histoire, ce n’est pas un pays que Jesse Owens a défié grâce à ses performances stupéfiantes, mais bien une idéologie qui n’a malheureusement, pas de frontières.

Ces JO restent donc un traumatisme dans l’histoire olympique. Si les performances de Jesse Owens font partie des plus mythiques, des plus fortes symboliquement de l’Histoire du sport, on ne peut occulter le fait que ces Jeux, diffusés auprès de 300 millions d’auditeurs partout dans le Monde, auront servi d’alibi à Hitler qui sera parvenu à cacher au Monde entier ses volontés et ses pratiques inhumaines.

S’il a atteint cet objectif, c’est avant tout parce que les gouvernements des Etats puissants de l’époque, ont fermé les yeux, préférant ne pas voir ce qui était pourtant tellement évident. A peine 3 années plus tard, une fois l’armée et les plans allemands prêts, la Seconde Guerre Mondiale éclatera. Pour cette raison, les Jeux Olympiques de 1940 et 1944 seront annulés et donc nous nous retrouverons la semaine prochaine pour l’édition de 1948. J’espère que cet épisode vous a plu et je vous dis à la semaine prochaine !

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